Cuba – le mélange des rythmes et des cultures
Pour retracer l’histoire de la salsa, on pourrait repartir de 1492, Lorsque Christophe Colomb débarque à Cuba.
Dès 1511 les espagnols prennent possession de l’île et réduisent les Amérindiens en esclavage et s’accaparent leur or.
La population autochtone diminue rapidement et les espagnols font venir un grand nombre d’esclaves africains pour la culture du sucre et du tabac au 16ème siècle.
Cuba continue de se développer sous l’influence des espagnols et connait la révolution de la culture du café début 1800 après la révolution haitienne.
Entre 1792 et 1860 ce sont pas moins de 720 000 esclaves qui sont introduits sur l’île et en 1840 Cuba compte 1 million d’habitants.
C’est durant cette période (fin du 18ème siècle) que la contradanza (danse populaire en Espagne et France, venant de la contredanse et de la danse de cours anglaise) arrive à Cuba pour devenir la danse nationale.
Pendant ce temps les esclaves africains perpétuent leurs chants rituels et transmettent au fil de génération leurs instruments de musique. On retrouve ainsi sur l’ile une grande diversité d’instruments selon les tribus d’origine.
En parallèle des luttes pour l’indépendance, à la fin du 19ème siècle, après évolutions et enrichissements de la contradanza, un nouveau style musical apparaît avec la Danzon dans la région de matanzas…
Premier danzon par Miguel Failde en 1879, à Matanzas, Las Alturas de Simpson
Le danzon se popularise rapidement en temps que genre musical et la danse reprend quant à elle les codes de la contredanse.
En parallèle, le mélange des traditions des différentes origines présentes sur l’île va produire la Rumba, à partir dans des jeux de tambours Abakua et Yuka, des Coros de clave espagnol et des traditions africaines.
Joué dans les solares, logement collectifs organisés autour d’un patio par les travailleurs pauvres héritiers de familles d’esclaves, la rumba va servir d’expression pour ceux qui étaient encore oppressés malgré l’abolition de l’esclavage.
Pendant ce temps à Santiago, le son, nouveau genre musical dérivant du changui, se développe à partir de 1882. Il est d’abord joué par un trio : un tres, un bongo et un instrument de basse, se popularise et évolue dans toute l’ile au début du XXème siècle.
En 1928, le Septeto Nacional d’ignacio peñeiro est la vedette de l’exposition universelle de Séville.
L’ère du Mambo
Bien qu’il soit difficile d’en attribuer la paternité à un artiste en particulier, le Mambo apparait à Cuba – cf article ci-dessous
Les échanges entre New York et Cuba sont nombreux dans les années 50 et le mambo arrive un jour au New York’s park Plaza Ballroom puis s’installe dans de nombreuses salles de New York comme le Palladium, le China Doll, Havana Madrid et d’autres..
Le public américain est particulièrement réceptif au mambo (il faut savoir qu’entre 1940 et 1969 ce sont pas moins de 800 000 portoricains qui ont émigré aux Etats-Unis). Au milieu des années 50, le mambo atteint des sommets, de nombreux groupes se font connaître. L’épicentre est bel et bien New York avec un grand nombre de lieux de concert. Le plus mythique d’entre eux, auto-proclamé the home of mambo est le Palladium Ballroom.
Cette célèbre salle de New York rassemble des centaines de personnes d’origines très variés venues pour voir assister aux concerts des orchestres les plus en vue et notamment les 3 principales figures « les BIG 3 » qui tiennent le haut de l’affiche :
Machito : Après avoir grandi à Cuba, Machito s’installe à New York et crée le groupe « the Afro-cubans » en 1940 avec lequel il contribua au développement de l’afro latin jazz.
Tito Rodriguez : né à Puerto Rico en 1923, il chante depuis son plus jeune âge et émigre à New York dans les années 40. Il lancera son propre groupe en 1947 et continuera de développer son style de chant.
Tito Puente : né à New York en 1923, il développe très tôt une passion pour la musique. Il contribua durant 50 ans au développement, au rayonnement et à la popularisation des sons afro-cubains comme le mambo.
A l’époque du Palladium Ballroom apparaissent également les premiers danseurs de mambo et les premières joutes dansantes sur la piste. Chaque soir les danseurs rivalisent de créativité pour marquer la musique et impressionner. Parmi les plus célèbres : Millie Donnay et Cuban Pete, The Mambo Aces, Killer Joe, etc (cf notre article à venir sur les danseurs de légende)
Les années Fania et l’émergence de la salsa
Suivant la fièvre latine qui s’est installé à New York, Al santiago crée « alegre records » en 1956 à partir de son célèbre magasin « casa alegre » située dans le Bronx.
Il produira notamment Johny Pacheo, Eddie Palmieri puis Willie Colon.
Alors que les échanges entre Cuba et les Etats-Unis permettaient aux musiciens des deux pays de s’influencer et d’enrichir le développement musical, Fidel Castro arrive au pouvoir en 1959.
Le 25 janvier 1962, l’Organisation des États américains signe l’embargo de Cuba et donc la fin des nombreux échanges entre musiciens cubains et New York
Dans le même temps, l’immigration de Porto Rico vers les States a explosé. La population portoricaine a doublé entre 1940 et 1960 et les portoricains sont devenus la communauté latino la plus visible en Amérique. On assiste alors à une passe d’arme avec une génération de jeune latinos, parlant parfaitement anglais et en profonde recherche identitaire.
En 1964, L’avocat et ancien policier Jerry Masucci et le désormais célèbre Johnny Pacheco lancent le label Fania spécialisée dans la musique latines toujours très en vogue à l’époque.
A la fin des années 60 la salsa cherche un nouveau souffle face à la musique Pop qui se développe notamment avec les mouvements contestataires de la jeunesse américain. Les américains d’origine hispanophone vont alors trouver dans la salsa un refuge d’expression de leurs origines et de leur culture.
- En 1970 une série de concerts organisés par Nancy Rodriguez et Izzy Sanabria à Central Park rassemblera des milliers des jeunes Neyoricains (contraction de porto ricain et new yorkais).
- Le 26 aout 1971 a lieu le célèbre concert de la Fania all star au Cheetah Club ; Le film « our latin thing » sortira un an plus tard.
- En 1973 la Fania all star remplira le Yankee stadium (malgré des pb lors du concert).
En 1976 Izzy Sanabria crée les Latin NY Salsa awards qui seront relayés par de nombreux journaux du monde entier. Grâce à la Fania de nombreux talents émergent sous l’appellation « salsa » et font le succès du label.
Les tournées du Fania all stars connaîtront un succès mondial.
Parmi ces talents on retrouvera :
- Celia Cruz : Née en 1925 à Cuba, chanteuse à la voix puissante, elle est reconnue comme la « Queen of Salsa » pour sa longue et brillante carrière. Elle fit ses débuts avec la Sonora Matancera.
- Hector Lavoe, né à Porto Rico en 1946, est un célèbre chanteur, rendu célèbre par son travail avec Willie Colon puis au sein de la Fania All Star. Connu pour ses addictions, il mourra jeune des suites du sida.
- Willie Colon, né en 1950 dans le Bronx, est un prodige de la salsa, Dès l’adolescence il dirige un orchestre puis signe avec la Fania à seulement 17 ans. Compositeur, producteur chanteur, il connaîtra un large succès notamment durant sa collaboration avec Hector Lavoe.
- Sans oublier : Ray Barretto, Ruben Blades, Cheo Feliciano et tant d’autres..
Mondialisation et commercialisation de la salsa
Si l’épicentre initial du mambo et de la Fania se trouve à New York, de nombreux artistes émergent dans le reste du monde : on peut citer par exemple : Oscar de Leon, produit par Rodven Records au Venezuela.
A la fin des années 70, la demande pour la « salsa caliente » (ou salsa dura comme on pourra l’appeler plus tard) et les sonorités de la Fania diminue au profit d’un nouvel engouement pour la salsa romantica. Les paroles des chansons sortent désormais du récit de la vie du barrio et de la revendication identitaire pour s’orienter vers des paroles plus sentimentales. L’engouement pour la salsa de la Fania s’estompe petit à petit et on entre dans une nouvelle phase de transition.
Beaucoup de musiciens colombiens arrivent sur le devant de la scène (Joe Arroyo, Grupo Niche, Fruko) puis certaines stars émergent : La India, Mark Anthony quelques années plus tard.
Pendant ce temps au niveau des dancefloors, après des années de danse plutôt en solo (liberté de la jeunesse) on assiste à un renouveau de la danse « en contact » vers 74-75 avec le hustle, danse qui pouvait se danser sur une grande variété de musiques populaires.
En 1977 le film « Saturday night fever » révèle la folie hustle au grand public. Avec ses chorégraphies de couple sur des musiques entraînantes, John Travolta donne un coup de jeune à la danse en couple avec un côté séducteur. De nombreux cours de hustle se développent ça cette période aux États-Unis.
Dans les années 1980, Eddie Torres, Angel Rodriguez de razzM’Tazz et d’autres, développent l’enseignement de la salsa comme danse de couple à part entière et posent les fondations de la danse telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui.
Le style razzM’Tazz restera très proche du style Palladium avec les comptes 234-678 tandis que Eddie Torres développe son enseignement sur le timing 123-567 et un style « de rue » inspiré de ce qu’il observe dans les rues du Bronx.
A partir du milieu des années 1990, la commercialisation internationale de la danse salsa commence et on assiste à un regain d’intérêt pour la salsa, avec un très fort développement de la danse et une période de développement musical. Des artistes comme Jennifer Lopez ou Mark Anthony deviennent les ambassadeurs de la musique latino.
Illustration de cet engouement : en 1987 la sortie du film Dirty Dancing fait sensation, le film met en avant la musique et le mambo comme danse de couple sur fond d’histoire d’amour de vacances.
(cf notre article sur les films à propos de la salsa pour d’autres référence de cette époque)
En 1997 a lieu le premier Congrès international de salsa à Porto Rico, il s’agit d’un réel tournant dans le développement de la salsa comme danse. Le choc culturel est énorme : certains dansent on1, d’autres on2, palladium, sur le 3. Petit à petit les courants principaux vont se standardiser.
A New York se développe le style on 2 dans le sillon créé par Eddie Torres. c’est le début de Santorico, dont fera parti Osmar Perrones puis Yamulee juste après. Tandis qu’à Los Angeles c’est le style on1 qui se développe notamment sous l’impulsion des frères Vasquez (Luiz, Johnny..).
En Europe on commencera petit à petit à entendre parler de ces styles avec certains artistes internationaux qui émergent: Juan matos, adolfo (année 2003), super mario.
En France plus particulièrement c’est d’abord la Salsa Cubaine, dérivée de la rueda de Casino dansée à Cuba qui s’installe avant de voir les premiers cours de salsa en ligne (dite portoricaine) à la fin des années 1990 lorsque Clifford Jasmin ouvre l’école Salsabor et organise quelques années plus tard le premier congrès de salsa en France.
Note de la rédaction : La reconstitution racontée ici se base sur un certain nombre de ressources documentaires, livre, vidéo, site internet. Elle est forcément incomplète et partiale mais se veut la plus factuelle possible, n’hésitez pas à nous signaler tout erreur que vous auriez constatée.
Un commentaire
😍 j’ai adoré, merci pour toutes les références.